CEA-CNRS
DAPNIA-IN2P3
Programme de
recherche
du
gdr neutrino
annee 2004
Physique
au-delà du modele standard
1. Determination des parametres du NEUTRINO
2. Physique au-delà du Modèle Standard
4. Accélérateurs, moyens de détection, R&D et
valorisation
5. Outils communs aux groupes de travail
Le but du Groupement de Recherche (GDR)
proposé dans ce document est de fédérer les équipes de recherche du CEA et du
CNRS travaillant autour de la physique du neutrino que ce soit au niveau
expérimental ou théorique. Il visera, pour les quatre années à venir, à
consolider et accroître l'expertise de la communauté française dans la
compréhension des propriétés du neutrino.
Le
GDR contribuera à l’élaboration de la «feuille de route» scientifique de la
communauté française, en cohérence avec l’ensemble des partenaires
internationaux. Il participera également à l’organisation de la nécessaire
R&D associée (accélérateurs, détecteurs, software).
Il
constituera un forum pour l’ensemble des jeunes chercheurs de la discipline (en
particulier les étudiants en thèse).
Enfin,
le GDR participera à la valorisation des développements techniques issus des
travaux autour de la physique du neutrino.
Le
groupement comprendra des physiciens théoriciens, des physiciens des
particules, des physiciens nucléaires et des astrophysiciens, ainsi que des
experts travaillant en R&D sur les faisceaux et les détecteurs de
neutrinos.
Wolfgang
Pauli prédit son existence en 1930 pour sauver le principe de la conservation de l'énergie dans la désintégration
b.
Initialement appelé neutron, cette particule, symbolisée par la lettre grecque n,
a été rebaptisée neutrino (petit neutron) par Enrico Fermi en 1933.
Compte
tenu de sa faible probabilité d'interaction avec la matière, les premiers
neutrinos n'ont été observés que bien des années plus tard par F. Reines
et C. Cowan auprès du réacteur nucléaire de Savannah River (1956). En
1962, une deuxième famille de neutrinos est détectée. La prolifération des
neutrinos continue avec la prédiction de l'existence d'une troisième famille de
neutrinos en 1977 et de son observation récente en 2001.
Le premier paradoxe concernant le
neutrino est venu du fond d'une mine d'or du Dakota du Sud dans les années 60. Un
détecteur de neutrinos placé dans un tel endroit pour ne pas être gêné par le
rayonnement cosmique, met en évidence un net
déficit entre le flux de neutrinos solaires détecté et le flux prédit par les
modèles solaires (expérience menée par R. Davis, prix Nobel de physique en
2002). Ce dernier résultat a été confirmé par une série d’expériences de
détection de neutrinos solaires, parmi lesquelles les expériences Kamiokande et
Super-Kamiokande (Super-K) au Japon (prix Nobel 2002 à Masatoshi
Koshiba), mais aussi l’expérience Gallex en Italie, dans laquelle la
France a tenu un rôle de tout premier plan.
En 1998, Super-K a de plus
observé une nette variation du flux de neutrinos atmosphériques (produits dans
l'atmosphère par le rayonnement cosmique) en fonction de l'angle zénithal des
neutrinos, et donc en fonction de la distance de vol entre la zone de
production et le détecteur.
Cette expérience a permis par cette
percée majeure de conforter de façon
déterminante l’interprétation des déficits observés dans la détection de
neutrinos par les expériences antérieures en termes d'oscillation des neutrinos
et par là même de l'hypothèse que ces particules possédaient une masse, aussi
petite soit-elle.
En
effet, les physiciens s'étaient très vite posés la question: le neutrino a-t-il
une masse? La théorie développée à la fin des années 60, «le Modèle Standard»,
qui régit les lois de la nature et qui décrit précisément maintes observations,
suppose une masse nulle pour les
neutrinos. La mise en évidence d’une masse de neutrino très faible par rapport
à celles des quarks et des leptons chargés nécessiterait une extension de ce
modèle.
En
fait, l'histoire des neutrinos commence beaucoup plus tôt que ce qui est décrit
précédemment. Elle commence avec la création de l'univers. Moins d'une seconde
après le Big Bang l'univers était déjà rempli de neutrinos. Jusqu'à aujourd'hui
la densité de ces neutrinos, témoins de la création de l'univers, est de
l'ordre de 300/cm3. Mais, quelles sont les autres sources de
neutrinos dans l'univers? Les étoiles, surtout pendant leur mort, produisent également
un grand nombre de neutrinos parvenant jusqu'à notre terre. Mais, le champion
toute catégorie de production de neutrinos arrosant la terre est notre soleil
envoyant plus de 400000 milliards de neutrinos par seconde et par corps humain.
Le
très faible taux d'interaction des neutrinos avec la matière, phénomène qui en
fait de très bons messagers pour sonder les confins de l'univers, constitue à
contrario un inconvénient majeur pour leur détection. Cela oblige les
physiciens à imaginer des détecteurs de grande masse et donc de "grand
volume" pour espérer en détecter quelques uns parmi les milliards qui vont
les traverser.
Nous
savons aujourd'hui qu'il existe trois familles de neutrinos légers, chacune
associée à une famille (saveur) de leptons massifs et chargés. La première
famille est la famille de l'électron (e), particule bien connue, les deux
autres familles étant celles du muon (m) et du tau (t),
deux particules qu'on pourrait appeler électrons lourds.
La
théorie prédit que si ces particules ont une masse, elles doivent osciller
entre les trois familles, c’est–à–dire, qu’un neutrino d’une famille se
transforme au cours du temps en un neutrino d’une autre famille. En fait, les
trois neutrinos connus ne, nm et nt peuvent se décrire comme un
mélange quantique des trois états
propres de masse n1, n2 et n3 (masses m1,
m2 et m3):
avec la matrice de mélange paramétrisée par 3 angles de mélange (q12, q23,
q13) et une phase de Dirac d (sij=sinqij, cij=cosqij):
Le formalisme adapté à deux familles de neutrinos, par exemple (ne, nm), mélange quantique de deux
états de masse (n1, n2) gouverné par un angle de mélange q, permet de mieux appréhender le phénomène d’oscillation. Des
neutrinos muoniques produits dans un accélérateur auront, après propagation sur
une distance L, une probabilité
d’osciller en neutrinos électroniques (expérience d’apparition) donnée par:
où Dm2=m22- m12 est la différence du carré
des masses des neutrinos et E leur énergie. L’amplitude de l’oscillation est
gouvernée par l’angle de mélange, tandis que la fréquence est fonction de la
différence du carré des masses.
Le
changement de saveur des neutrinos observé dans les diverses expériences de
neutrinos solaires, atmosphériques, de réacteurs et d’accélérateurs trouve dans
la théorie des oscillations une explication naturelle. Précisons que dans le
cas des neutrinos solaires, les effets de matière jouent un rôle important. La
matière étant composée uniquement de constituants de la première saveur de
leptons et de quarks (e, u, d), les neutrinos électroniques auront une
propagation différente des neutrinos m et t dans la matière, c’est l’effet
Mikheyev-Smirnov-Wolfenstein (MSW). Notons que c’est cet effet de matière qui
permet d’extraire le signe de Dm122 des mesures de neutrinos solaires.
Au final, les différents
déficits de neutrinos déjà observés par les expériences s’expliquent alors par
le fait que les détecteurs associés n'étaient sensibles qu'à une famille de
neutrinos alors que ceux-ci, au moment de leur arrivée dans les détecteurs,
avaient déjà changé de famille.
Les expériences d’oscillations de
neutrinos en cours ou à venir visent maintenant à, d’une part, renforcer
l’interprétation du changement de saveur des neutrinos en termes d’oscillation[1]
(en mesurant l’évolution de ce changement en fonction de la phase d’oscillation
L/E), et d’autre part, déterminer le plus précisément possible les paramètres
de la matrice de mélange (les angles q12,q23, q13 et la phase de Dirac d)
ainsi
que les deux différences de masses carrées
Dm122
et Dm232,
et le signe de cette dernière (hiérarchie de masse).
Une autre interrogation
fondamentale porte sur la nature du neutrino: cette particule qui est un fermion de charge électrique nulle,
serait-elle identique à sa propre antiparticule? Le neutrino serait dans ce cas
une particule de Majorana, à l’inverse des autres fermions chargés
électriquement (leptons chargés et quarks) qui sont des particules de Dirac. La
nature Majorana du neutrino permet de rendre compte de façon élégante de la
petitesse de la masse du neutrino et
apparaît également dans les processus de physique au-delà du Modèle Standard
violant le nombre leptonique (élément important pour la compréhension de
l'asymétrie entre matière et anti-matière dans l'univers).
Pour répondre à cette question, certaines expériences tentent de mesurer
le moment magnétique du neutrino, comme l’expérience MUNU qui s’est déroulée
auprès du réacteur nucléaire civil de Bugey.
D’autres expériences utilisent une méthode plus prometteuse basée
sur la recherche, dans certains noyaux, de la désintégration double bêta sans
émission de neutrino (bb0n). La période de ce processus
très rare (>1023 ans) est fonction de la masse effective <mn> du neutrino de Majorana[2]:
L'observation
d'un tel processus constituerait une découverte majeure qui permettrait
également de préciser l’échelle de masse absolue des neutrinos.
Expérimentalement,
de nombreux projets ont vu le jour au cours des vingt dernières années. La
meilleure limite actuelle sur la masse effective, obtenue avec des détecteurs
Germanium (expériences Heidelberg-Moscou et
IGEX), se
situe entre 0.35 et 1 eV selon le calcul des éléments de matrice nucléaire. Une
partie de la collaboration Heidelberg-Moscou a dernièrement publié un résultat
positif pour le signal bb0n
correspondant à une masse effective du neutrino comprise
entre 0.1 et 0.9 eV. Cependant ce résultat est très controversé. Deux expériences sont en
cours de prises de données: NEMO3 et Cuoricino. NEMO3 est un détecteur avec
reconstruction des traces des deux électrons provenant de sources bb telles que le 100Mo.
Cuoricino utilise des bolomètres et une source de 130Te. Ces deux
expériences devraient atteindre des sensibilités entre 0.2 et 0.35 eV.
Le but dans les dix prochaines années est de construire des détecteurs
sensibles à des masses effectives de l’ordre de 30 meV à 50 meV :
détecteurs Germanium, bolomètres, détecteurs avec
reconstruction de traces «à la NEMO» et TPC au Xénon.
S’il est
possible de rendre compte des masses des neutrinos sans modification profonde
du Modèle Standard, en introduisant simplement trois neutrinos de chiralité
droite formant des fermions de Dirac avec les neutrinos de chiralité gauche,
l’extrême petitesse des masses des neutrinos suggère une autre possibilité,
celle que le nombre leptonique ne soit pas conservé et que les neutrinos soient
des particules de Majorana. Plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine de
ces masses de Majorana. Tous font appel à une nouvelle physique au-delà du
Modèle Standard, soit dans le domaine d’énergie du TeV, soit, à une échelle d’énergie
beaucoup plus élevée proche de l’échelle d’unification des couplages de jauge, comme
dans le mécanisme de «see-saw».
Dans le
premier cas, les masses des neutrinos peuvent être associées à des signaux
observables aux futurs collisionneurs, comme la désintégration du partenaire
supersymétrique le plus léger dans les modèles supersymétriques avec violation
de la R-parité, ou la production de bosons de Higgs doublement chargés dans les
modèles avec triplet de Higgs électrofaible. Dans le second cas, la physique
responsable des masses des neutrinos ne se manifeste aux énergies accessibles
expérimentalement que de manière indirecte, par des processus tels que la
désintégration du proton, par ses contributions aux changements de saveur dans
les courants neutres, ou par ses conséquences cosmologiques, comme la création
de l’asymétrie baryonique de l’Univers. En outre, la plupart des mécanismes
susceptibles d’engendrer des masses de Majorana pour les neutrinos, prédisent
des taux significatifs pour les processus violant la saveur leptonique;
certains modèles sont déjà fortement contraints par les limites expérimentales
actuelles. Enfin, la physique au-delà du Modèle Standard est susceptible
d’affecter les observables liées aux neutrinos: oscillations (contribution
sous-dominante d’interactions de neutrinos violant la saveur ou d’oscillations
entre neutrinos actifs et neutrinos stériles), double désintégration bêta sans
émission de neutrino (contribution d’interactions violant le nombre
leptonique), moments magnétiques de transition (boucles de particules non
standard), et bien d'autres.
Le mécanisme
de see-saw, qui fait intervenir des neutrinos de chiralité droite très lourds
se mélangeant avec les neutrinos de chiralité gauche du Modèle Standard, est
généralement considéré comme l’explication la plus naturelle de la petitesse
des masses des neutrinos. Dans le cas d’un spectre de masse hiérarchique, la
différence de masses au carré gouvernant les oscillations des neutrinos
atmosphériques correspond à une échelle de masse pour les neutrinos droits de
l’ordre de 5x1014 GeV, proche de l’échelle d’unification des
couplages de jauge (soit 2x1016 GeV dans l’extension supersymétrique
minimale du Modèle Standard).
Spectre de masse (hiérarchique) des
fermions. Les couleurs rouge, bleue et verte indiquent respectivement la 1ère,
2ème et 3ème famille de quarks et leptons chargés; la couleur violette indique les partenaires
neutrinos.
Les Théories
de Grande Unification (GUTs) apparaissent ainsi comme un cadre naturel pour le
mécanisme de see-saw. En particulier, dans les GUTs basées sur le groupe de
jauge SO(10), chaque famille de fermions contient un neutrino droit et ce
dernier acquiert une masse de Majorana lors de la brisure du groupe SO(10) dans
le groupe de jauge du Modèle Standard. Dans un tel scénario, le proton serait
instable (tp~1035 ans), mais la sensibilité des expériences
actuelles (tpexp>1032 ans) ne permet pas encore d’observer sa
désintégration.
Si le
mécanisme de see-saw ne peut pas être testé directement, ses conséquences
observables ne se limitent pas aux oscillations de neutrinos. D’une part, la
désintégration des neutrinos droits du mécanisme de see-saw peut être à
l’origine de l’asymétrie baryonique de l’Univers. Ce scénario de «leptogenèse»
nécessite que les couplages des neutrinos droits violent la symétrie CP, afin
que leurs taux de désintégration en leptons et en antileptons soient
différents. L’asymétrie leptonique ainsi créée est convertie en asymétrie
baryonique par des processus non-perturbatifs du Modèle Standard appelés
«sphalérons». D’autre part, dans la version supersymétrique du mécanisme de
see-saw, les couplages des neutrinos droits contribuent à la renormalisation
des masses des sleptons (les partenaires supersymétriques des leptons),
introduisant ainsi de nouvelles sources de violation de la saveur leptonique et
de la symétrie CP dans le secteur des partenaires supersymétriques. Ces
derniers contribuent à leur tour aux processus violant la saveur leptonique,
comme les désintégrations rares m ® eg ou m ® eee, et aux
moments dipolaires électriques des leptons chargés. Autant d’observables pour
lesquelles des améliorations de la sensibilité expérimentale sont attendues
dans les années à venir.
En
cet automne 2004, la situation expérimentale (expériences terminées, en cours
ou approuvées) peut se résumer comme suit:
·
Dans le domaine des expériences de
désintégration double bêta, NEMO3 en France et Cuoricino en Italie,
devraient atteindre des niveaux de sensibilité (0.2-0.35 eV, vers 2008)
permettant de confirmer ou d’infirmer les résultats de l’expérience Heidelberg
Moscou.
·
Dans
le domaine des oscillations « à grands Dm2 », l’expérience Super-K a mis en évidence le phénomène de
changement de saveur des neutrinos atmosphériques (nm)
dès 1998. Ce phénomène a été depuis confirmé par l’expérience K2K avec des
neutrinos issus de l’accélérateur de KEK et détectés 250 km plus loin par
l’incontournable détecteur Super-K. De
ces expériences, on déduit les valeurs des paramètres atmosphériques (à 90% CL[3]) :
1.9
≤ |Dm232|/10−3 eV2≤ 3.0 ;
sin2 2θ23
≥ 0.9.
L’expérience Chooz, conduite auprès du
réacteur nucléaire du même nom dans les Ardennes françaises, a par ailleurs
établi que les neutrinos muoniques se transformaient majoritairement en nt,
fournissant par là même la meilleure limite actuelle sur l’angle de mélange q13 (≤ 11°).
Dans ce domaine, deux expériences sur
accélérateur, MINOS aux USA (dès 2005) et OPERA en Europe (à partir de 2006)
vont bientôt prendre le relais. MINOS tentera de mettre en évidence le
phénomène d’oscillation en mesurant la probabilité de disparition des nm en fonction de la phase L/E. OPERA (expérience dans laquelle la France a
une contribution significative) devrait clairement établir l’apparition des nt
à partir d’un faisceau de nm. Les deux expériences permettront de
contraindre l’angle de mélange q23
et la différence des masses carrées « atmosphérique » Dm232 au niveau de 10%. Enfin, après 5 ans de
prises de données, MINOS et OPERA devraient fournir une première amélioration
de la limite actuelle sur l’angle de mélange q13 au niveau de 6°, limite qui sera encore
améliorée en 2008 par l’expérience double-Chooz (4°), dans laquelle les
chercheurs français jouent un rôle de premier plan.
·
Dans le secteur des oscillations «à petits
Dm2», toutes les expériences de détection de neutrinos solaires,
depuis l’expérience pionnière de Davis jusqu’aux données récentes de SuperK,
ont mis en évidence un déficit entre la quantité de neutrinos électroniques (ne) fabriqués par les réactions de fusion
nucléaire au coeur du soleil et le nombre de neutrinos (ne) détectés. Rappelons à ce sujet le rôle important des
données d’hélio-sismologie (expérience GOLF) dans la consolidation des modèles
solaires. Soulignons aussi l’apport fondamental de l’expérience SNO qui a
établi très clairement l’an passé que ce déficit de neutrinos solaires
s’expliquait par la transformation des neutrinos électroniques en neutrinos
d’une autre saveur (nm et nt), auxquels les expériences antérieures à
SNO n’étaient pas ou étaient peu sensibles.
Enfin, l’expérience KamLAND a aussi observé un déficit net
dans la détection d’anti-neutrinos de réacteurs nucléaires japonais situés à
une distance moyenne de 180 km du détecteur, déficit compatible avec les valeurs
des paramètres d’oscillation extraits des expériences solaires.
L’interprétation de l’ensemble de ces résultats (solaires + KamLAND) en termes
d’oscillation et d’effets de matière conduit aux paramètres solaires suivants[4] (à
3s
CL):
7.4≤
Dm122/10−5 eV2≤ 9.2
0.28 ≤ tan2 θ12 ≤ 0.58
L’étape suivante pour les neutrinos
solaires sera d’une part d’améliorer la précision sur les paramètres
d’oscillation (en particulier, après 5 ans de prises de données, KamLAND
devrait atteindre une précision de 10% à 95% CL sur Dm122) et d’autre part de confirmer la
solution LMA, en mesurant par exemple la distorsion jour-nuit et saisonnière
des neutrinos solaires du 8B
et 7Be (BOREXINO).
·
Du
coté des mesures directes de masse, après la fin des expériences à Mainz
et à Troitsk, ayant fourni une limite supérieure sur la masse du ne
à 2.2 eV (95% CL), l’expérience KATRIN en cours de construction en Allemagne
devrait démarrer vers 2008 et atteindre à terme le niveau de 0.2 eV (90% CL)
En provenance du Cosmos, l’anisotropie du fonds diffus
cosmologique (WMAP et ACBAR), combinée aux
mesures des grandes structures dans l’univers (2DF et SDSS) permet
d’extraire une limite[5] sur la somme des masses des
neutrinos S mn ≤ 1 eV. Cette limite
doit cependant être prise avec précaution en raison de sa dépendance dans les
détails du modèle cosmologique utilisé pour l’extraire. On peut cependant
prévoir que les données futures sur le CMB[6] (le satellite Planck en
particulier) permettront d’encore abaisser cette limite.
Pour le plus long terme, des réflexions sont en cours aux USA, au
Japon et en Europe. Les physiciens des Etats-Unis ont lancé en décembre 2003
sous l’égide de l’American Physical Society une étude visant à bien cerner les
questions clés dans le domaine du neutrino et déterminer les meilleures
approches expérimentales capables d'y répondre. Le rapport final de cette étude
sera disponible à la fin de cette année[7]. Il prendra en compte:
·
Le rapport du DOE[8] «facility for the future of science», dans lequel une expérience
souterraine de double bêta (Ge ou Xe) est classée en 3ième priorité pour les projets à moyen terme, et un super-faisceau de
neutrinos numéro un pour les priorités à long terme.
·
La
«feuille de route» pour la physique des particules aux USA[9] qui elle aussi place les expériences
«neutrinos» en bonne position.
Au Japon, au delà de
l’expérience d’oscillation de neutrinos T2K entre l’accélérateur JPARC à Tokaï (accélérateur
de proton de 40 GeV-0.7 MW) et Super-K en cours de
construction et à laquelle la France participe, une expérience de seconde
génération est à l’étude. Elle nécessitera une montée en puissance de JPARC à
4 MW et la construction d’un détecteur Cerenkov à eau d’une masse proche
de la mégatonne (Hyper-K).
Enfin,
en Europe le travail de prospective en physique des neutrinos se met en place.
Il se dessine une première ébauche de stratégie dans laquelle un «driver» de
protons d’une énergie de quelques GeV et d’une puissance de 4 MW basé au CERN pourrait servir d’épine dorsale
aux projets de « superbeam », « beta-beam » et
« neutrino factory » visant à fournir des faisceaux intenses de neutrinos. Dans le cas du
« superbeam » et du « beta-beam », les neutrinos pourraient être détectés à 130 km par un
détecteur de grande masse situé dans un laboratoire souterrain proche du
laboratoire actuel de Modane au Fréjus. Ce nouvel accélérateur présenterait
l’avantage de pouvoir tout d’abord contribuer à l’augmentation de luminosité du
LHC puis d’être aussi utilisé pour le projet de faisceaux radioactifs EURISOL.
Cette activité au niveau des accélérateurs se fait au travers du réseau
européen BENE[10].
Ajoutons que
l’Europe est actuellement leader dans le domaine de la double bêta avec NEMO
(reconstruction des traces des deux électrons), MPI (diodes Germanium dans l’azote
liquide) et CUORE (bolomètres). De plus ces trois expériences utilisent trois
méthodes expérimentales différentes et très encourageantes. Ces expériences
commencent à collaborer au travers du programme européen ILIAS.
Le GDR se
propose de fonctionner en groupes de travail tout en évitant le cloisonnement entre
les groupes. C’est essentiellement dans cet esprit que le découpage de groupes
proposé ci-dessous a été défini. Chaque groupe doit s’occuper d’un sujet d’intérêt
commun, le sujet étant suffisamment large de façon à pouvoir attirer toute
personne de la communauté.
Des sessions
plénières cadenceront les travaux du GDR. Ces sessions, tenues deux fois par
an, permettront de faire le point sur l’avancement des travaux de chaque groupe
et de fixer de nouvelles orientations.
Il est bien
évident que les activités du GDR doivent être et seront influencées par le
contexte mondial et par le travail d’autres groupes dans les autres pays. Les
groupes de travail seront donc incités à collaborer avec des groupes étrangers
ayant des activités similaires et pourront occasionnellement avoir recours à
des experts provenant d’autres communautés.
Une attention
particulière sera portée aux jeunes chercheurs (thésards, post-docs). Au cours
de ses réunions plénières, le GDR favorisera autant que faire se peut des
exposés effectués par les étudiants en
thèse. Une école à leur intention sera organisée au moins une fois dans les 4
prochaines années.
Les directions
scientifiques principales du GDR seront données par le Conseil de Groupement
dont la composition est donnée ci-après.
Le contact
avec les différents laboratoires sera effectué à travers un représentant qui
sera chargé de récupérer et diffuser les informations au niveau de son unité.
Les représentants de chaque laboratoire seront aussi chargés de recenser les
activités relatives au GDR et maintenir un descriptif des activités de chaque
membre de l’unité. Ils auront aussi pour mission d’attirer d’autres personnes
susceptibles d’aider le travail du GDR.
Le budget du
GDR sera consacré aux frais de mission nécessaires à la participation aux
réunions plénières et, dans la mesure du possible, aux réunions des groupes de
travail. Le reste des dépenses doit être couvert par les laboratoires
participants. Les représentants de chaque laboratoire donneront tous les ans à
la direction du GDR une estimation des dépenses en frais de mission de leur
équipe. Ils doivent aussi présenter une demande complémentaire à la direction
de leur laboratoire pour toutes les autres dépenses. Tablant sur une
participation de 100 personnes à chaque réunion plénière, le budget annuel du
GDR serait de l’ordre de 50 k€.
Pour une
meilleure circulation de l’information, un site web sera créé. Ainsi, des
outils communs y seront mis à disposition de tous les utilisateurs. Des notes
internes seront aussi accessibles par ce site. Un des laboratoires participant
au GDR hébergera son secrétariat et le site web.
L’animation
du GDR sera assurée par un directeur et un co-directeur. Leurs fonctions seront
de planifier les réunions plénières et envoyer les convocations relatives avec
l’aide du secrétariat.
La
coordination de chacun des cinq groupes de travail sera effectuée par deux
personnes (coordinateurs du groupe de travail) qui auront la charge d’organiser
et diriger les réunions de leur groupe.
Un
représentant de chaque laboratoire participant au GDR sera nommé. Cette
personne aura la gestion du budget "missions" attribué par le GDR à son
groupe.
Le
GDR sera doté d'un Conseil Scientifique comprenant 5 personnalités et les 2
directeurs. Le Conseil Scientifique donne les directions scientifiques du GDR,
définit les groupes de travail et valide les coordinateurs proposés par les
groupes de travail.
Le
GDR dispose aussi d'un Conseil de Groupement comprenant les 2 directeurs, les 5
membres du Conseil Scientifique et un des deux coordinateurs de chacun des cinq
groupes de travail[11].
Le Conseil de Groupement définit les thématiques principales à débattre pendant
les réunions plénières. Il lui incombe aussi la tâche de créer des groupes à
missions spécifiques (étude d'un point précis, urgence particulière etc).
Comme il a été indiqué plus
haut, le travail du GDR entend s'organiser principalement autour de groupes de
travail, dont le sujet est assez général pour pouvoir rassembler les
différentes communautés (physique des particules, physique nucléaire,
astrophysique, physique des accélérateurs
et théoriciens). Il va sans dire que des sous-structures peuvent se
créer autour d'un sujet d'intérêt particulier.
C'est au Conseil de Groupement
que reviendrait la tâche de définir plus précisément le contenu scientifique de
chaque thème, et si besoin est, de susciter de nouveaux groupes de travail. Les
thèmes retenus pour le moment sont décrits ci-dessous.
Ce
groupe de travail s’articule autour des diverses approches expérimentales afin
de déterminer les paramètres des neutrinos. Les objectifs de ce groupe de travail
sont de:
·
Favoriser
les échanges d’informations entre les diverses équipes françaises engagées sur des
expériences « neutrinos »: NEMO (nature du neutrino et échelle de
masse absolue), OPERA et K2K (mesures des paramètres atmosphériques Dm232, q23) dans l’immédiat, expériences Double Chooz
et T2K dans un futur proche (mesures précises des paramètres atmosphériques Dm232 et q23, amélioration de notre connaissance de
l’angle de mélange q13 au niveau de 3°).
·
Fédérer
et renforcer les travaux des experts français visant à contribuer à la
définition, puis à la réalisation dans le cadre d’un partenariat international
des étapes pour le plus long terme (horizon 2012):
ü
la
mesure encore plus précise de l’angle de mélange q13 (de 2° en «superbeam» jusqu’à 1° à 90%
CL pour la «neutrino factory»),
ü
la
mise en évidence de la violation de CP dans le secteur leptonique,
ü
la
détermination de la hiérarchie de masse (signe de Dm232) par mesure des effets de matière.
La
détermination de la nature du neutrino (Majorana ou Dirac), et l’échelle de
masse absolue (mesure d’une masse effective de l’ordre de 30 meV.)
Ces
travaux concernent aussi bien les projets sur accélérateur avec des faisceaux
de neutrinos de haute intensité («superbeam», «beta-beam», «neutrino factory») couplé à un détecteur
adéquat (Cerenkov à eau d’une masse proche de la mégatonne, détecteur à argon
liquide de seconde génération (100 kt), détecteur magnétisé d’une cinquantaine
de kilotonnes pour la «neutrino factory»); que les projets d’expérience de
réacteur de 3ième génération.
Dans
ce domaine le GDR se coordonnera avec les autres acteurs internationaux, en
particulier l’ECFA pour les accélérateurs[12]
et le futur groupe de travail mondial (autour des collaborations Hyper-K au
Japon et UNO aux USA) pour la détection, et aussi le groupe double bêta
européen ILIAS.
Ce
groupe de travail a pour objectif, d’une part, de rassembler les théoriciens
français travaillant dans le domaine de la physique au-delà du Modèle Standard
et de la physique des neutrinos, et d’autre part de favoriser les échanges
entre ces théoriciens et les expérimentateurs impliqués dans les expériences
sur les neutrinos. Les questions suivantes pourront être abordées par le groupe
de travail :
·
Etudes
des conséquences phénoménologiques du mécanisme de see-saw dans le cadre de
théories de grande unification ou d’autres extensions du Modèle Standard, en
particulier des contributions des neutrinos droits aux processus violant la
saveur leptonique et aux observables violant la symétrie CP, comme les moments
dipolaires électriques des leptons chargés.
·
Leptogenèse.
Une première piste de travail consiste à rechercher des modèles dans lesquels
les phases responsables de la leptogenèse peuvent être reliées aux phases
mesurables dans les oscillations de neutrinos et dans la double désintégration
bêta sans émission de neutrino. Dans le mécanisme de see-saw «minimal», ces
différentes phases sont en effet indépendantes. Une autre piste de recherche
porte sur des mécanismes de leptogenèse non-standard susceptibles d’être testés
expérimentalement, comme les scénarios de leptogenèse à basse énergie, qui
impliquent de nouvelles particules avec des masses de l’ordre du TeV.
·
Origine
des masses et angles de mélanges observés, et prédictions pour les paramètres
non encore mesurés. Une des énigmes de la physique des particules est la grande
dispersion du spectre de masse des fermions, qui n’est pas expliquée par le
Modèle Standard. Encore plus surprenante est le contraste entre le petit
mélange observé dans le secteur des quarks, et la présence de deux grands
angles de mélange dans le secteur des leptons. De nombreuses approches ont été
proposées pour comprendre le spectre de masse observé: symétries de saveur,
points fixes du groupe de renormalisation, localisation des différentes
familles de fermions dans des dimensions d’espace supplémentaires. Il s’agit
non seulement d’expliquer les paramètres déjà connus, mais aussi d’obtenir des
prédictions susceptibles d’être testées pour les paramètres mal ou non encore
mesurées (angle de mélange q13 et phases violant la symétrie CP).
·
Alternatives
au mécanisme de see-saw. Bien que le mécanisme de see-saw ait d’autres
conséquences observables que les oscillations, il semble exclu de pouvoir un
jour le tester directement. Il est donc important d’étudier les mécanismes
alternatifs de génération de masses de Majorana, qui font généralement appel à
une nouvelle physique à une échelle proche du TeV, et peuvent donc être testés
expérimentalement. Des exemples de ces alternatives sont les modèles avec
triplet de Higgs électrofaible et les modèles de génération radiative de masses
de neutrinos.
·
Effets
non standard dans la physique des neutrinos. De nombreuses extensions du Modèle
Standard prédisent de tels effets, qu’il s’agisse de la présence de nouvelles
interactions de neutrinos susceptibles d’affecter les oscillations dans la
matière, par exemple dans les modèles supersymétriques avec violation de la
R-parité ; de la présence de neutrinos stériles se mélangeant avec les
neutrinos du Modèle Standard, par exemple dans les théories avec dimensions
supplémentaires dans lesquels les neutrinos droits se propagent dans plus de
quatre dimensions d’espace-temps ; de contributions non standard à la
double désintégration bêta sans émission de neutrino, par exemple dans les
modèles supersymétriques avec violation de la R-parité. Les futures expériences
devraient être sensibles à d’éventuels effets sous-dominants dans les
oscillations de neutrinos.
Des
progrès essentiels ont été fait dans notre connaissance des propriétés des
neutrinos grâce aux neutrinos provenant de notre Univers. Tout d’abord,
l’expérience de R. Davis a permis d’observer
pour la première fois, des neutrinos provenant du soleil et a ainsi
ouvert l’ère de l’astronomie neutrinos. La compréhension du problème du déficit
des neutrinos solaires a stimulé plusieurs dizaines d’années d’études
théoriques et d’expériences et a apporté des progrès essentiels concernant
notre connaissance du soleil ainsi que notre compréhension des propriétés des
particules élémentaires. Ceci a abouti en particulier, à la découverte du
phénomène d’oscillations des neutrinos.
Cette découverte a un impact important dans divers domaines de la physique.
D’autre part, les
meilleures limites indirectes sur le moment magnétique des neutrinos
proviennent d’arguments astrophysiques, comme la luminosité des géantes rouges,
ou à partir de la dizaine d’événements collectés lors de l’explosion de la
Supernova 1987A. Même si ces limites ne dépendent pas des modèles, elles
indiquent une limite supérieure qui améliore de deux ordres de grandeur les
limites par mesure directe.
Un autre exemple d’actualité est fourni
par les informations sur la masse des neutrinos déduite des structures à grande
échelle (LSS) et de WMAP. Les avancées importantes réalisées en physique des
neutrinos dans les dernières années ont stimulé une série d’expériences pour
répondre à la question cruciale encore ouverte: le neutrino stérile
existe-t-il?
Le
neutrino est-il une particule de Majorana ou de Dirac? Quel est l’ensemble des
paramètres d’oscillation? Peut-on déterminer le moment magnétique des
neutrinos? Y a-t-il violation de CP dans le secteur des leptons? Les réponses à
toutes ces questions peuvent avoir un impact important sur divers problèmes de
grande actualité en astrophysique et cosmologie. En effet, aujourd’hui les
neutrinos sont couramment utilisés en tant que sondes d’objets astrophysiques,
nous apportant des informations cruciales sur la vie des étoiles ou encore sur
les phénomènes d’explosion des Supernovae de type II. Il est important de
rappeler qu’à l’heure actuelle les modèles théoriques n’arrivent pas à
reproduire le phénomène d’explosion dont la compréhension représente un défi
pour l’avenir. Or, une quantité gigantesque de neutrinos est émise pendant les
diverses phases de l’explosion jusqu’à la formation d’une proto-étoile à
neutrons ou d’un trou noir. La propagation des neutrinos ainsi que le signal
dans un observatoire sur terre dépendent fortement des propriétés des
neutrinos. Celles-ci influencent également le processus de nucléosynthèse des
éléments lourds.
Plusieurs
détecteurs de neutrinos fonctionneront d’ici 2015 et sont autant
d’observatoires potentiels pour les
Supernovae de type II. Parmi les projets à présent en phase d’étude, le
détecteur Mégatonne offrirait une opportunité unique car environ 105
événements pourraient être collectés pour une explosion dans notre Galaxie.
Il a aussi été proposé récemment de
dissoudre dans l’eau des grands détecteurs Cerenkov, un composé (sel de
Gadolinium) permettant de signer les captures de neutrons. Cela permettrait de
séparer les anti-neutrinos électroniques des autres interactions et apporterait
ainsi des informations précieuses lors de l'explosion d’une supernova. Un grand
détecteur tel que Super-K équipé de cette façon pourrait mesurer le bruit de
fond diffus de neutrinos de supernovae lointaines.
Des expériences «large volume» ou «télescopes à neutrinos», comme celles placées au fond de la mer (comme ANTARES qui va se situer au large de Toulon à 2000 m de profondeur), pourraient aussi aider à mieux cerner le problème de la matière noire en mettant en évidence l’existence du neutralino, la particule supersymétrique la plus légère. Ces expériences ont pour mission principale de détecter des neutrinos de très grande énergie venant du cosmos et apporter des informations inaccessibles ou complémentaires à l’astronomie utilisant des photons. Ces informations pourraient aider à mieux comprendre les mécanismes d’accélération des protons dans l’univers et ainsi mieux étudier les problématiques liées à la matière noire ou aux explosions des Supernovae.
Une
autre question brûlante est la compréhension de l’asymétrie entre matière et
anti-matière dans l’univers. Les scénarios de bariogénèse induite par
leptogénèse nécessitent parmi ces ingrédients essentiels que les neutrinos
soient des particules de Majorana ainsi qu’une brisure de la symétrie CP dans
le secteur des leptons. Dans ce contexte, une synergie étroite entre physiciens
des neutrinos, astrophysiciens et cosmologues est indispensable afin
de progresser dans la connaissance des sources, continuer à explorer
l’impact des découvertes récentes, préparer les développements futurs et
avancer dans l’étude des propriétés des neutrinos à travers l’étude des
neutrinos de l’Univers.
Pour
mener à bien le programme « neutrino » de nouveaux développements
sont nécessaires que ce soit au niveau des accélérateurs de particules et des
faisceaux de neutrinos ou au niveau des techniques de détection.
Toutes
les expériences de neutrino auprès des accélérateurs demandent des faisceaux significativement plus intenses que ceux existant actuellement.
Trois schémas sont proposés actuellement pour obtenir des faisceaux intenses de
neutrinos: les « superbeams »,
les « beta beams » et la « neutrino factory ».
Les
« superbeams » sont des faisceaux basés sur des techniques
conventionnelles utilisant la désintégration des pions issus d'intenses
faisceaux de protons envoyés contre une cible. La nouveauté dans ce domaine
viendra de la très haute intensité du faisceau protonique qui avoisinera le MW.
Les
neutrinos des « beta beams » proviendront de la désintégration de
radio-isotopes, comme l'hélium ou le néon, accélérés en faisceau intense ayant
des sections droites pointant vers des détecteurs placés à des centaines de
kilomètres de là. Des faisceaux purs de neutrinos et anti-neutrinos électroniques
peuvent ainsi être obtenus.
La « neutrino factory » peut
produire par désintégration de muons de charge positive des faisceaux intenses
de neutrinos électroniques et d’anti-neutrinos muoniques, tandis que la
désintégration de muons de charge négative produirait des anti-neutrinos
électroniques et des neutrinos muoniques. Ces trois types de faisceaux sont
actuellement en état de projets et nécessitent un travail de R&D intense.
Ces développements constituent un investissement conséquent et devront s'inscrire
dans les efforts de la communauté mondiale de la physique des particules et des
astroparticules.
Les
buts principaux actuels de ces projets sont de cerner la valeur de l'angle de
mélange q13, mettre en évidence une éventuelle violation CP dans le
domaine des leptons et déterminer la hiérarchie de masse en observant des
effets de matière.
Les
puissants accélérateurs de protons développés dans ce cadre fourniront aussi
des faisceaux intenses de muons qui serviront à la recherche de désintégrations
rares de muons et pour faire des mesures de précision concernant les propriétés
de ces particules. Les faisceaux intenses de muons peuvent aussi servir à
d'autres branches de la science comme à la physique de la matière condensée ou
encore à la physique du vivant.
Au
niveau des détecteurs, en ce qui
concerne les projets auprès des accélérateurs,
leurs performances doivent être optimisées en adéquation avec les
progrès de la R&D sur les accélérateurs. Des détecteurs «grand volume» plus
ou moins générique sont à l'étude: Cerenkov à eau d’une masse proche de la
mégatonne, détecteurs à argon liquide de seconde génération, détecteur
magnétisé d’une cinquantaine de kilotonnes pour la «neutrino factory». Quant aux
détecteurs pour les projets de 3ième génération sur réacteur,
l’accent sera mis sur les détecteurs "grand volume" à base de liquide
scintillant. Leur finalisation dépendra de la R&D sur les techniques de
détection déjà lancées ou qui seront lancées dans un avenir relativement
proche.
La plupart de ces détecteurs sont à base
de photodétecteurs et essentiellement de photomultiplicateurs. Beaucoup
d’efforts ont été fait concernant la production de «grands»
photo-multiplicateurs (ANTARES en France) et sur le développement de
l’électronique associée. Ces efforts continuent en s’intensifiant en
particulier dans la perspective du futur observatoire sous-marin « km3 ». Concernant toutes ces
techniques, des projets sont aussi en cours pour améliorer la résolution en
énergie et pouvoir ainsi observer des phénomènes rares comme la désintégration
double-bêta (super-NEMO).
Enfin,
pour les projets de détecteur «grand volume», leur aptitude à étudier des
domaines de physique autre que les neutrinos d’accélérateur (supernovae, durée
de vie du proton, neutrinos solaires, …) dépendra du niveau ambiant du
rayonnement cosmique. Pour minimiser ce bruit cosmique, les détecteurs devront
être enterrés à une profondeur de l’ordre de
La
radioactivité apporte une contribution non négligeable à l’équilibre thermique
de la planète. Il existe des différences importantes entre les différents
modèles à ce sujet. La mesure des neutrinos créés par cette radioactivité
devient maintenant possible, grâce à l’arrivée des détecteurs conçus pour
mesurer les neutrinos autour du MeV. Les premiers résultats de KAMLAND montrent
la faisabilité de cette mesure, malgré la gêne apportée par les anti-neutrinos
de réacteurs. BOREXINO, situé à des centaines de km de tout réacteur, permettra
d’ouvrir ce champ de recherche. Si ce dernier implique des détecteurs placés à
différents endroits de la surface terrestre, cela peut permettre à terme
d’évaluer les radioactivités de différentes couches du globe.
Comme
le développement sur les accélérateurs, la R&D sur les détecteurs pourra
servir dans d'autres domaines que la détection de neutrinos, comme par exemple
l'imagerie médicale utilisant des photo-détecteurs. La recherche dans le
domaine de la basse radioactivité menée essentiellement par les expériences
double bêta ainsi que les installations préparées à cet effet, peuvent aussi
servir à d'autres domaines même inattendus comme récemment prouvé par une
équipe de l'IN2P3[13].
Lutte contre la prolifération nucléaire
(AIEA)
L’agence
internationale pour l’énergie atomique est une agence de l’ONU dont la mission
est de lutter contre la prolifération nucléaire. Elle a recommandé récemment
que soit étudiée la possibilité d’utiliser les neutrinos pour aider au contrôle
des combustibles présents dans le cœur des réacteurs nucléaires. L’expérience Double Chooz[14] qui va détecter les neutrinos émis par
la centrale nucléaire de Chooz,
comportera le détecteur de neutrinos le plus performant pour cette tâche
par son comptage plus élevé que les détecteurs précédents et son bruit de fond
plus bas. A l’intérieur de cette collaboration, un effort important est en
cours pour mieux connaître et utiliser les spectres de neutrinos correspondants
à chaque combustible utilisé dans les réacteurs.
L’importance de la communauté concernée par le GDR lui
permettra de développer des outils que chacune des expériences aurait eus du mal
à maintenir à un bon niveau en comptant sur ses seules forces. Parmi les plus
importants, on peut citer, sans que ce soit exhaustif:
·
L’outil de
phénoménologie Globes : Le groupe de phénoménologie de
Munich a développé et rendu public un
code permettant de comparer les différentes expériences existantes ou en projet,
en matière d’oscillations des neutrinos. Cela intéresse aussi bien les
expériences près des réacteurs nucléaires (Double Chooz) que celles qui
utilisent les faisceaux de neutrinos à grande distance d’un accélérateur
(OPERA, K2K, MINOS), et notamment les expériences en projet (T2K, NOVA,
Mégatonne à Fréjus).
·
Le programme de
simulation Geant : Le
programme de simulation Geant est devenu l’outil standard pour simuler les
expériences de neutrinos à toutes énergies. Si ce code a beaucoup progressé, il
garde des insuffisances qu’un effort concerté de la communauté concernée
pourrait améliorer aisément. On peut citer:
· Le suivi du
neutron est médiocre. Certaines expériences ont développé des compléments de
code et il serait intéressant de les mettre en commun en créant une version unique
du code Geant.
· Toutes les
expériences de neutrino à basse énergie ont dû développer une description de la
basse radioactivité. Un acquis important existe en France, autour des mesures
de hautes qualités accumulées à Fréjus. Les
expériences de recherche de matière noire partagent cet intérêt. Cela
peut conduire à une interface bénéfique aux deux communautés.
· Codes solaires et atmosphériques : La mise en
évidence des oscillations de neutrinos créés dans la haute atmosphère a donné
une grande importance au développement de codes simulant la physique des
particules en haute atmosphère. Des développements ont eu lieu en France et
l’ensemble de la communauté neutrino ne peut que gagner à réunir ses forces
dans ce domaine. La simulation du soleil et du flux de neutrinos émis, est
également un domaine essentiel à la physique du neutrino. Il existe en France
une équipe de haut niveau dans ce domaine[15]
et sa présence devrait irriguer davantage la communauté des physiciens
impliqués dans cette physique.
Beaucoup d’autres exemples plus concrets d’outils communs
pourraient être cités ici comme la simulation de grands détecteurs Cerenkov à
eau (ANTARES) ou de TPC à argon liquide.
Laboratoires
du CEA
J. Argyriades,
J. Bouchez, C. Cavata, G. Chardin, M. Cribier, M. Fechner, T. Lasserre, J. P. Meyer,
A. Milsztajn, L. Mosca, D. Motta, F. Pierre
Service
de physique des particules
S. Mathur, S.
Turck-Chieze
Service
d’astrophysique
F. Marie, A.
Letourneau, D. Lhuillier
Service
de physique nucléaire
A. Chancé, M. Desmons,
R. Duperrier, R. Ferdinand, R. Gobin, F. Méot, A. Mosnier,
J. Payet, J. M. Rey, D. Uriot, B. Visentin
Service
des Accélérateurs et de CryoMagnétisme
S. Aune, F.
Ardelier-Desages, A. Delbart, H. Deschamps, M. Fesquet, Y. Giomataris, X. F. Navick
Service
d'Électronique, des Détecteurs et d'Informatique
C. Veyssiere
Service
d’Ingénierie des Systèmes
C. Grojean, P. Hosteins, S. Lavignac, C. Savoy, R.
Schaeffer, G. Servant
Service
de physique théorique
Laboratoires
de l'IN2P3
J. Brunner, J. Busto,
J. Carr, F. Cassol, C. Cerna, P. Coyle, L. Sulak,
Ch. Tao
Centre
de Physique des Particules de Marseille
A. Albert, R. Arnold,
M. Dracos, J-P. Ernenwein, J-L. Guyonnet, C. Jollet, T. Pradier,
C. Racca
Institut
de Recherches Subatomiques et Université de Haute Alsace
Ch. Marquet,
F. Piquemal
Centre d'Etudes Nucléaires de Bordeaux
Gradignan
C. Augier,
J-E. Campagne, A. Cazes, S. Jullian, X. Sarazin,
L. Simard
Laboratoire de l'Accélérateur Linéaire
F. Mauger
Laboratoire de Physique
Corpusculaire de Caen
B. Andrieu, J. Chauveau,
J. Dumarchez, J. M. Levy, F. Vannucci
Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes
Energies
A. de Bellefon, J. Dolbeau,
H. de Kerret, Ph. Gorodetzky, D. Kryn, G. Mention, M. Obolensky, Th. Patzak,
P. Salin, D. Vignaud
Physique Corpusculaire
et Cosmologie
L. Arrabito, D.
Autiero, Y. Caffari, L. Chaussard, S. Davidson, A. Deandrea, Y.
Déclais, S. Fleck, O. Giarmana, I. Laktineh, J. Marteau,
P. Royole-Degieux, J. Welzel
Institut de
Physique Nucléaire de Lyon
D. Boutigny, J. Damet,
D. Duchesneau, J. Favier, H. Pessard
Laboratoire
d'Annecy-le-vieux de Physique des Particules
T. Kirchner,
M. Fallot
SUBATECH
J. Orloff
Laboratoire
de Physique Corpusculaire de Clermont-Ferrand
A. Abada,
H. Aissaoui
Laboratoire
de Physique Théorique, Université de Paris XI
C. Volpe
Institut
de Physique Nucléaire Orsay
M. Gonin
Laboratoire
Leprince-Ringuet
D. H. Koang, F. Montanet
Laboratoire de Physique Subatomique
et de Cosmologie de Grenoble
[1] Des effets sous-dominants prédits par certaines théories d'interactions de neutrinos changeant la saveur, le moment magnétique, la violation de CPT, les oscillations entre neutrinos actifs et stériles, pourraient également contribuer aux changements de saveur observés.
[2] F2 et F3 sont les phases de Majorana.
[3] Niveau de confiance.
[4] M. C.
Gonzalez-Garcia, et al., hep-ph/0406294
[5] P. Crotty et J.
Lesgourgues, Phys. Rev. D 69, 123007-2004
[6] Cosmic Microwave Background
[7] Version
préliminaire : http://www.neutrinooscillation.org/studyaps/apsfin
[8]
http://www.sc.doe.gov/Sub/Facilities_for_future/20-Year-Outlook-screen.pdf
[9]
http://www.science.doe.gov/hep/P5/Roadmap.html
[10] Beams
for European Neutrino Experiments (http://bene.na.infn.it).
[11] Le deuxième coordinateur pourra assister aux réunions du Conseil Scientifique à titre d'observateur.
[12] En particulier le projet CARE
(Coordinated Accelerator Research in Europe) III du 6ième PCDR.
[13] "De la masse du neutrino…à la
datation des vins", Ph. Hubert, F. Hubert, V. Raffestin,
(http://www.cenbg.in2p3.fr/heberge/DDV/page3.html).
[14] DoubleChooz
hep-ex/0405032
[15] Turck Chieze
astro-ph/0309806